Consommation du cannabis en Suisse

Consommation du cannabis en Suisse avant 1951

Wikidata Q79817

Présentation du thème

Le cannabis est une substance psychoactive dont la consommation et la perception ont évolué à travers les siècles. En Suisse, avant 1951, la consommation n'est pas illégale, son usage oscille entre médecine populaire, traitement pharmacologique, et marginalité. Cette page s’intéresse à la consommation, à la perception et aux enjeux sociopolitiques liés au cannabis en Suisse jusqu’au milieu du XXe siècle.

La période retenue (1867–1951) permet de couvrir à la fois l’émergence de la presse moderne, les premières réglementations et les représentations culturelles dans les journaux. L’analyse repose en grande partie sur des sources issues du corpus Impresso.

Enjeux

De par la modification de la loi sur les stupéfiants entrée en vigueur le 15 mai 2021 autorisant des essais pilotes sur la consommation récréative de cannabis, il est intéressant de se pencher sur la consommation de cannabis avant 1951 :

• À quelles fins le cannabis était-il utilisé (médicales, récréatives, autres) ?
• Quelle était la perception publique et journalistique du cannabis ?
• Comment les autorités suisses réagissaient-elles face à sa consommation ?
• Y avait-il déjà un débat sur sa légalité ou sa dangerosité ?

L’étude de ces enjeux nous aide à comprendre l’ancrage culturel du cannabis dans la société suisse et les prémices des politiques de santé publique.

Le cannabis dans Impresso[1]

Les paramètres de recherche sur Impresso étaients :

Mots clés	Cannabis	marijuana	haschich	haschisch	hachisch	hachisch	marihuana
Chronologie	1er janvier 1863 au 31 décembre 1950
Pays de Publication	Suisse
Langue	Français

• 1863, Gazette de Lausanne, Histoire fictive [2], "Vous aviez consulté je ne sais quel charlatan [..] cet homme vous a fait prendre une potion d'opium ou de haschich, qui devait vous tuer."

• 1869, Gazette de Lausanne, Faits divers [3], "Le 24 avril est un jour important dans le calendrier des mahométants, [...] La plupart des fidèles sont sous l'influence du haschich."

• 1870, Journal de Genève, Médecine/Pub [4], "Tous les moyens proposés jusqu'à ce jour pour la guérison de cette terrible maladie (Asthme) sont pour la plupart insuffisantes. De récente expérience faite [...] ont prouvé que la fumée des Cigarettes indiennes, au Cannabis Indica de Grimault & C, pharmaciens à Paris, en était le ... le plus puissant. Sous leur influence, les suffocations et la toux cessent."

• 1872, Le Confédéré de Fribourg, Feuilleton [5], "Chez quelques sujets, les paroxysmes (les sentiments d'extase) sont annoncés [...] parfois par une sensation illusoire de suppression de la pesanteur, sensation qui fait croire surtout quand les yeux sont fermés, que les pieds ne touchent plus le sol, qu'on marche dans le vide, qu'on s'élève dans l'espace. Ce phénomène, qui est un des effets les plus constants de l'action physiologique du haschisch."

Publicité pour un remède à base de cannabis contre l’asthme (1877)

• 1879, Le Bien public, Chronique [6], "Les Mahométans, auxquels le vin est interdit, trouvent dans le haschisch et l'opium cette exaltation, cet enivrement, cet oubli de la réalité que beaucoup recherchent dans l'alcool"

• 1880, Le Confédéré de Fribourg, Hygiène [7], "Les hommes [...] recherchent de plus en plus les moyens de se faire de temps en temps une vie cérébrale artificielle, de se créer des pensées maladives, des sensations et des sentiments en dehors des réalités qui les entourent, de se créer, en un mot, un délire plus ou moins agréable, mais toujours dangereux [...] Les uns obtiennent ces hallucinations condamnables en savourant le haschich, d'autres en fumant ou en consomment de l'opium, et le plus grand nombre en absorbant force boissons fermentées"

• 1881, Gazette de Lausanne, Variétés [8], " La vision mentale est du reste favorisée, [...], par l'absence d'excitations extérieures. [...] L'ingestion de certaines substances telles que l'opium, le datura, le haschich, favorise aussi le curieux travail qui préside à la formation des images"

• 1885, La Liberté, Nouvelles politiques [9], "Dse-vad-Aga, s'est précipité sur le sultan Abd-ul-Hamid avec un poignard, [...] On ignore les motifs qui ont poussé l'assassin à son crime ;cependant, on prétend qu'il était sous l'influence du haschish"

• 1888, Gazette du Valais, Variétés [10], "Remède contre les cors aux pieds [Extrait alcoolique de cannabis indica [...] ]"

• 1878-1891 (paru 110 fois), Journal de Genève, Médecine/Pub, "Cigarette indienne au Cannabis par Grimault & C contre l'Asthme"

Publicité pour un remède à base de Haschisch contre les cors aix pieds (1896)

• 1898, Journal de Genève, Publications Nouvelles [11], "Mais dès l'antiquité, la graine de chanvre donnait le haschish que fument encore les peuples d'Orient; M. de Molin conclut, en s'appuyant sur la découverte de pipes dans les tombeaux celts et gallo-romains, que les Celtes fumaient déjà peut-être aussi le chanvre"

• 1901, L'Express. Chronique Étrangère [12]. "On vient de décider la réunion au Caire, en décembre 1902, d'un congrès de médecine. [...] Ce congrès offrirait un grand intérêt pour l'Europe étant donné qu'on y examinera particulièrement les moyens de combattre le choléra, la peste, [...] sans parler des affections locales telles que la folie par le haschich."

• 1904, Gazette de Lausanne, Les facteurs économiques de l'alcoolisme [13], "Il y a enfin le besoin de se procurer à peu de frais l'oubli des soucis [...] A défault d'alcool, l'homme trouve toujours quelque substance capable de lui procurer l'excitation qu'il prise si haut : opium, haschisch, etc. Le remède ? M. Vandervelde le voit surtout dans l'amélioration du sort des travailleurs"

• 1894-1907 (paru 150 fois), Gazette de Lausanne / L'impartiale / L'Express, Médecine/pub, Le Haschisch meilleur remède contre les cors aux pieds, pharmacien Karrer / pharmacie A. Bourgeois / Dr. A. Baur

• 1908 (paru 15 fois), L'Express, Médecine/pub [14], Le Haschisch meilleur remède contre les cors la callosité et les verrues, pharmacien Karrer

• 1912, L'impartiale, Toutes les ivresses [15], "Dans un classement, récent des grands poisons qui ravagent l'humanité moderne, on relève que 800 millions d'individus s'adonnent au tabac, 400 millions à l'opium, 300 millions au haschich, 100 millions au bétel et 40 à la coca"

• 1909-1916 (paru 41 fois), L'impartiale / Gazette de Lausanne / L'Express, Médecine/pub, Le Haschisch meilleur remède contre les cors la callosité et les verrues, différent pharmaciens et Dr cités avant.

• 1921, Gazette de Lausanne, Canton de Vaud La lutte contre les stupéfiants [16], "Le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil un projet de loi modifiant la loi du 14 septembre 1897 sur l'organisation sanitaire, en ce qui concernce le commerce, la détantion et l'usage de stupéfiant [...] Les pharmaciens [...] qui vendent ou délivrent [...] haschich et ses préparations, sont punis d'une amende de 50 à 5000 fr. ."

• 1928, L'impartiale, Causerie médicale Les rêves [17], "Le haschich procure des rêves d'un caractère erotique assez précis"

• 1934, L'Express, La lutte contre les stupéfiant [18], "C'est enfin le hachisch, résine de chanvre indien. Toutes ces substances que la chimie a encore purifiées, dont elle a extrait les alcaloïdes les plus actifs, sont extrêmement dangereuses puisqu'elles provoquent des phénomènes d'accoutumance qui mènent à la véritable toxicomanie. Le-docteur Bersot insiste sur le grave danger des toxicomanies qui sont devenues un véritable fléau social."

• 1938, Gazette de Lausanne, A propos du congrès de la lèpre [19], "Il montre ainsi qu'en interdisant, en Egypte, sur les ordres de Genève, l'usage séculaire d'un stupéfiant relativement inoffensif comme le haschich, on a ouvert la porte à des maux bien plus grands. Et le professeur Schrumpf-Pierron conclut : « Il serait donc grandement temps, pour bien des choses que l'Occident vienne prendre des leçons en Orient."

• 1939-1944 (paru 39 fois), L'Express, Médecine/pub [20], Haschich pour soigner vos pieds, F. Tripet

• 1951, Journal de Genève, La résine des poils glanduleux du chanvre hors la loi ! [21], " A côté de l'opium •& fumer, on y a fait figurer « la résine des poils glanduleux de chanvre », autrement dit le hachisch, et la diacétylmorphine. La prohibition de la diacétylmorphine a suscité une certaine opposition de la part de l'industrie, mais le législateur, considérant qu'on pouvait sans inconvénient majeur priver la médecine de ce produit dont l'usage abusif est particulièrement nocif, a passé outre."

Personnalités citées aux cours des recherches

• Robert Mitchum — acteur américain mentionné pour usage de cannabis en 1949 : [22]
• Auguste Châtelain - docteur se focalisant sur les troubles de l'esprit [23]
• Guy de Maupassant - grand écrivain qui dans ses dernières années tomba malade et souffrait de paranoïa, c'était un consommateur de cannabis également [24]
• Édouard Rod - Critique littéraire, compare l'effet de la musique à celui de la consommation de haschich [25]

Données et illustrations

Éléments de presse sur le cannabis

Année	Source	Thème traité
1877	[JDG-1877-05-10](https://impresso-project.ch/app/issue/JDG-1877-05-10-a/view?articleId=i0039)	Usage médical contre l’asthme
1931	[LES-1931-07-18](https://impresso-project.ch/app/issue/LES-1931-07-18-a/view?articleId=i0018)	Faits divers + effets médicaux
1941	[IMP-1941-02-04](https://impresso-project.ch/app/issue/IMP-1941-02-04-a/view?articleId=i0004)	Fait divers impliquant un consommateur
1949	[EXP-1949-02-18](https://impresso-project.ch/app/issue/EXP-1949-02-18-a/view?articleId=i0073)	Perception des effets du cannabis

Fichier:Carte-pharmacies-cannabis.png

Carte hypothétique de la distribution de cannabis médicinal avant 1950 (à créer)

Analyse et conclusion

L’étude des sources montre que la consommation de cannabis en Suisse avant 1950 était multiforme : parfois médicalisée, parfois marginalisée, et souvent incomprise. La presse suisse, en particulier via les journaux comme *L’Impartial*, *Le Journal de Genève*, ou *L’Express*, joue un rôle clé dans la diffusion des perceptions du cannabis, tantôt comme remède, tantôt comme menace.

Les articles étudiés révèlent également un flou juridique : le cannabis est vendu par des pharmaciens (comme Karrer), tout en étant associé à des faits divers. Le vocabulaire utilisé (hachisch, marijuana, etc.) reflète une méconnaissance du public, souvent alimentée par des récits exotiques ou sensationnalistes.

Avant 1950, aucune politique cohérente n’était encore mise en œuvre, mais les fondements des débats actuels — usage médical, criminalisation, perception culturelle — étaient déjà posés.

Voir aussi

• DHS: Cannabis (hls-dhs-dss.ch) — [Article du Dictionnaire Historique de la Suisse](https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/016557/2015-05-26/)
• Législation suisse sur le cannabis — [Fedlex](https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1952/241_241_245/fr)

Références

<references />