Évolution de l'alpinisme suisse depuis le XIXe siècle

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Illustration de la première ascension du Cervin
Illustration de la première ascension du Cervin par Gustave Doré.

Essor de l'alpinisme en Suisse au XIXe siècle|XIXe siècle

À cette époque, l’exploration des Alpes était en plein essor auprès des étrangers, notamment anglais qui exerçaient une pression sur les alpinistes suisses. L'Alpine Club avait vu le jour en 1857 à Londres, et l'Oesterreichischer Alpenverein en 1862.

La montagne, autrefois crainte pour ses dangers et croyances superstitieuses, a vu sa perception évoluer grâce à la poésie et la photographie, qui ont dévoilé sa beauté extraordinaire. Elles devinrent des endroits esthétiques et agréables. Émile Javelle, photographe alpiniste a eu un impact significatif en consignant ses exploits en montagne dans ses écrits "Souvenirs d'un alpiniste", suscitant ainsi l'envie d'accéder aux sommets et encourageant les autres à explorer. Parallèlement, l'ère des Lumières incita les savants à développer un savoir rationnel sur les montagnes. Les scientifiques se penchèrent sur les caractéristiques de la haute altitude et la flore, allant sur le terrain pour observer, mesurer et cartographier ces espaces. Ces premiers alpinistes scientifiques transformèrent les représentations des montagnes par leurs observations et récits.


Les Clubs alpins

Le Club Alpin Suisse

Historique

Le Club Alpin Suisse (CAS) fut fondé le 19 avril 1863 au Buffet de la Gare à Olten, à la suite de l'appel du Zurichois Rudolf Theodor Simler, professeur de chimie et de géologie à l'Université de Berne. Comptant initialement 35 membres exclusivement masculins et d'origine alémanique (Aarau, Bâle, Berne, Buochs, Glaris, Lucerne, Olten, St. Gall et Zurich), le CAS comptait déjà 7 sections et 358 membres à la fin de l’année 1863.

Chronologie

  • 1863 : Fondation du CAS, le troisième club alpin d'Europe après ceux d'Angleterre et d'Autriche. Construction de la première cabane du club, la Grünhornhütte. Baptême du plus haut pic du pays (4634 m) "Pointe Dufour" en l'honneur du général suisse Guillaume Henri Dufour.
  • 1864 : Publication du premier Jahrbuch des S.A.C. (bulletin annuel du CAS), plus tard nommé «Les Alpes».
  • 1900 : Le CAS compte 43 sections et 6000 membres.
  • 1905 : Ouverture du Musée alpin suisse à Berne.
  • 1907 : Exclusion explicite des femmes du CAS.
  • 24.05 1918 : Fondation du Club suisse des femmes alpinistes (CSFA).
  • 1963 : Le CAS compte déjà 44 500 membres.
  • 1966 : Autorisation du CAS à recourir selon la loi sur la protection de la nature et du paysage.
  • 1979 : Fusion avec le Club suisse des femmes alpinistes, augmentant le nombre de membres à 69 201.
La présidente du CSFA Régine Schneiter et le président du CAS Hanspeter Wenger viennent de signer le contrat, 1979
  • 1989 / Martigny : exposition itinérante pour le 125e anniversaire du CAS avec le soutien du Musée alpin suisse et de la Société de Banque Suisse (L'Impartial · 19 avril 2013, p19).
  • 1994 : Le CAS devient sponsor officiel de l'escalade sportive en compétition.
  • 1997 : Le CAS devient sponsor officiel des compétitions de ski alpinisme.
  • 2006 : Le CAS reçoit un prix pour son engagement dans la protection de l’environnement et l'unité de sauvetage du CAS devient la fondation autonome Secours Alpin Suisse.
  • 2013 : Célébration du 150e anniversaire du CAS. Il compte 140 000 membres, un tiers des membres sont des femmes. Publication d'un livre relatant les expériences des membres, y compris les mémoires du conseiller fédéral et membre de la section du Wildhorn, Johann Schneider-Ammann. Illumination de plusieurs cabanes emblématiques par l’artiste éclairagiste Gerry Hofstetter (L'Impartial · 19 avril 2013, p19).
  • 2016 : Le CAS accueille son 150 000e membre.
  • 2021 : Adoption de la stratégie climatique du CAS.

Membres notables

Le Musée de Berne

Le Musée alpin suisse fut fondé en 1905 à Berne. Il propose trois espaces d'exposition et organise 60 à 70 événements chaque année, dédiés à l'étude des Alpes suisses, de ses habitants, du folklore local et de l’alpinisme, mais aussi des répercussions du changement climatique sur les montagnes. Des ateliers et sondages sont régulièrement organisés pour le public, comme récemment avec le "bureau des souvenirs retrouvés". Le CAS est un fondateur et un partenaire du musée, lui apportant un soutien financier substantiel.

Site officiel : https://www.alpinesmuseum.ch
Protection : Bien culturel d'importance nationale


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Club Féminin des Alpinistes Suisse

Historique

Insigne du CFSA

Lors de sa fondation il y a 150 ans, le CAS déclarait dans ses statuts qu’il accepterait comme membres les «Suisses» et les «résidents suisses», posant ainsi les bases d’un différend: par «Suisses» et «résidents», entendait-on aussi les femmes? Avaient-elles le droit, ou non, de devenir membres du CAS? En 1907, les femmes sont explicitement exclues du CAS, des alpinistes féminines fondaient leur propre Club alpin en 1918 : le Club Féminin des Alpinistes Suisse (CFSA).

Chronologie

  • 1879 : C'est la première fois que la question des femmes est abordée lors de l'Assemblée des délégués du Club alpin suisse (CAS).
  • 1907 : Lors de la réunion de Berne, les membres du CAS choisissent de manière explicite de ne pas inclure les femmes dans le club.
  • 1917 : La section Altels suggère de permettre l'entrée de femmes dans quelques soirées du CAS, cependant l'accueil réservé à cette proposition est mitigé.
  • 24.05 1918 : Fondation du Club suisse des femmes alpinistes (CSFA) à l’Hôtel de Londres à Montreux, sous l'impulsion d'un groupe de 15 femmes emmenées par Aline Margot.
  • 1920-1979 : Récits de courses publiés dans le bulletin mensuel du club, [Nos Montagnes].
  • 1921 : le CSFA compte déjà 600 adhérentes et plusieurs divisions à travers le pays, organisant courses et formations.
  • 1928 : Le club compte 27 sections, et environ 50 sections de 1950 à 1980.
  • 1942 : La compagnie d’assurance du CAS refusa de continuer à assurer les jeunes femmes membres de l’OJ (Organisation de Jeunesse). Lors de l’AG du CSFA Lausanne, la présidente Madeleine Morel déclare : « [...] pas d’assurance pour les dames, pas de dames dans l’O.J., dirent les antiféministes. » [1]
  • 1974 : Le CAS ouvre une enquête sur l'admission des femmes, avec une nette majorité en faveur de leur admission.
  • 1978 : le président du Club Alpin Suisse, Hanspeter Wenger, déclare de l'avènement d'un vote sur l'inclusion des femmes lors de la prochaine réunion des délégués.
  • 1979 : Contrat de fusion signé entre CSFA et CAS, avec une majorité de messieurs votant en faveur de l'octroi aux sections du droit d'admettre des femmes.
  • 1980 : Fusion du CSFA avec le CAS, marquant la fin du club féminin.

En 2024, environ un tiers des membres du CAS sont des femmes, et plus de 40% des nouveaux membres sont des femmes. Les femmes restent insuffisamment représentées dans les postes de direction.

Membres notables

  • Aline Margot : Co-fondatrice du CSFA, elle est un symbole du club et de l'histoire de l'alpinisme.
  • Madeleine Morel : Figure marquante de la section des Diablerets du CFSA, où elle occupa divers postes de responsabilité.
  • Claire Aeschimann : Alpiniste et dentiste elle partagea sa vie entre ces deux mondes, ainsi qu'à plaider la cause humanitaire. Elle fait partie des femmes à avoir gravi tous les sommets Suisses de plus de 4000m.
Nombre de publications mentionnant le CFSA jusqu'en 2000

Enjeux autour de l'alpinisme

Élitisme et popularisation de la pratique

Ascension d'un groupe de touristes dans les Alpes, vers 1910. Musée national suisse, Collection Herzog).

Ces clubs, imposant des critères stricts pour l'adhésion limitaient souvent l'accès aux personnes fortunées ou bien éduquées, et étaient donc souvent composés de membres issus de la classe sociale aisée. Dès le début du XXe siècle, certains cheminements sont assurés dans les lieux les plus touristiques grâce à l'installation de cordes fixes et permettent à un public plus large de connaître les émotions procurées par la pratique de l'alpinisme.

Marginalisation et exclusion des femmes

En 1918 à la suite d’une décision de l’assemblée générale, il fut interdit aux femmes de rejoindre le Club Alpin Suisse. Les préjugés socio-culturels et normes traditionnelles de genre et de moralité, fortement présent au XXème siècle en Suisse ont influencé cette décision, privilégiant l'alpinisme comme inapproprié pour les femmes, perçues comme une figure domestique, pure et modeste. Le Club Alpin Suisse, majoritairement masculin, reflétait la domination patriarcale de l'époque. Les hommes craignaient que la présence des femmes ne menace leur pouvoir et leur territoire.

Dans les Alpes fribourgeoises, au sommet de la Spitzflue (1954m), été 1910.


Si les femmes voulaient bénéficier d'une course guidée, elles devaient engager un guide de montagne ou faire partie du CSFA De plus, l'alpinisme était jugé dangereux pour les personnes non préparées physiquement. Les femmes étaient ainsi découragées et exclues en raison de l'idée selon laquelle elles ne pouvaient pas s'engager dans des activités physiquement exigeantes. Le CAS a finalement admis des membres féminins dans ses sections à partir de 1980, illustrant un changement progressif des mentalités et des structures sociales.

Fonctions sociales des clubs alpins

"Souvenirs d'un alpiniste", Emile Javelle, Edition Payot, 1929.

Le Club Alpin Suisse (CAS) a joué un rôle crucial dans la promotion du tourisme en montagne en Suisse, en facilitant l'accès aux sommets alpins grâce à la création de nombreux sentiers et refuges. En favorisant l'inclusion sociale à travers la passion commune pour la montagne, le CAS a rassemblé des personnes de différents horizons, permettant de populariser cette pratique, bien que initialement élitiste. En formant les guides de montagne et en coordonnant les opérations de secours par le biais du Secours Alpin Suisse, le club a également participé à garantir la sécurité en montagne.

"L'écho des Alpes, publication des sections Romandes du Club Alpin Suisse", 1899, Genève

Le Comité d'Action pour les Sites protège les sites naturels et promet un tourisme durable (Le club veille notamment à ce que tous les sommets ne soient pas envahis par des téléphériques). , tandis que le Centre Alpin de la Société Académique Suisse promeut la connaissance des montagnes suisses grâce à des publications et des recherches. Il a notamment créé le Musée Alpin Suisse à Berne et a publié de nombreuses études sur la géologie, la glaciologie, la botanique, et d'autres domaines liés à l'alpinisme. Le CAS possède une bibliothèque de plus de 20 000 ouvrages de littérature alpine et guides, et publie sa propre revue périodique, l'Écho des Alpes (Confédéré · Friday, August 4, 1989, p2)).

La création du CSFA en 1918 a permis d’organiser des formations, des excursions et des événements spécifiquement pour les femmes favorisant ainsi leur indépendance et créant un réseau, leur permettant de partager leurs expériences et de se motiver mutuellement. L’adhésion au CSFA servait de réelle fonction sociale à ces femmes. L’émancipation des femmes et leur inclusion dans les sports de montagne a contribué à remettre en question les stéréotypes de genre et à promouvoir l'égalité hommes-femmes. Les clubs alpins ont ainsi contribué à façonner l'identité suisse en mettant en valeur le rôle des Alpes dans le patrimoine culturel et naturel du pays.

Références